Enjeux géopolitiques et défis économiques
Dans son interview du 21 mai 2024, Emmanuel Hache, directeur de recherche à l’IRIS, souligne l’importance géopolitique du nickel, métal essentiel à la transition énergétique. Le nickel est crucial pour les technologies bas-carbone, notamment dans la fabrication des batteries lithium-ion, et sa demande mondiale devrait augmenter de 75 % d’ici 2040. La Nouvelle-Calédonie, produisant 5,6 % du nickel mondial, dépend fortement de ce secteur, qui représente 20 % de son PIB et 90 % de ses exportations. Cependant, cette dépendance expose l’archipel à la volatilité des cours mondiaux, exacerbée par des tensions géopolitiques et une concurrence accrue.
« En Nouvelle-Calédonie, il n’est guère de problème qui ne vienne de près ou de loin du nickel, ou qui ne ramène à lui. La Grande Terre, principale île de l’archipel, aujourd’hui sous le coup d’un état d’urgence, décrété après plusieurs nuits de violence, recèle entre 20 % et 30 % des réserves mondiales et produit 8 % du nickel transformé » d’après un article de Le Monde.
En 2023, les prix du nickel ont chuté de 43 % en raison d’une surproduction, principalement en Indonésie, désormais responsable de 50 % de la production mondiale. La Nouvelle-Calédonie subit cette rude concurrence ainsi que les hausses des coûts énergétiques et les difficultés financières des entreprises locales. Par exemple, la SLN (Société Le Nickel) et d’autres usines de l’archipel sont lourdement endettées, menaçant leur stabilité et l’emploi dans un secteur représentant jusqu’à 25 % des emplois privés. Cette dépendance au nickel expose la Nouvelle-Calédonie aux fluctuations du marché, un phénomène que Hache décrit comme une “nouvelle malédiction des ressources”, où les richesses naturelles ne garantissent pas nécessairement un développement économique stable.
Hache évoque également le concept de “maladie hollandaise”, un effet économique où la dépendance à une seule ressource entraîne une vulnérabilité accrue, concept que certains pays producteurs subissent. De plus, dans un contexte mondial incertain, avec des tensions géopolitiques et des conflits, les pays producteurs de matières premières sont tentés de contrôler les prix en formant des alliances comme le groupe BRICS+, qui inclut désormais des pays du Moyen-Orient et d’Afrique, leaders dans certaines ressources critiques. Ces cartels pourraient ainsi influencer le marché des métaux stratégiques, exacerbant les tensions économiques globales. La crise du nickel en Nouvelle-Calédonie illustre la complexité de la transition écologique et les défis pour les pays producteurs de métaux critiques dans un marché mondial instable et hautement concurrentiel.
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L’image illustre une manifestation à Nouméa, où des militants indépendantistes arborent des drapeaux symbolisant leur mouvement. Cette mobilisation met en évidence le lien intrinsèque entre les aspirations à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et la maîtrise de ses ressources naturelles, notamment le nickel. Les indépendantistes considèrent le contrôle de cette ressource stratégique comme essentiel pour assurer l’autonomie économique et politique de l’archipel. Ils s’opposent fermement à la cession des actifs miniers à des multinationales étrangères, perçue comme une entrave à la souveraineté calédonienne. Cette opposition reflète la volonté des indépendantistes de gérer les ressources naturelles de manière à promouvoir un développement économique aligné sur leurs aspirations politiques.
La dépendance de la Nouvelle-Calédonie au nickel rend son économie vulnérable aux fluctuations des prix internationaux et à la demande mondiale, en particulier de la part de pays comme la Chine. Les tensions géopolitiques, les politiques commerciales des grandes puissances et la transition énergétique mondiale peuvent donc fortement influencer l’économie calédonienne. L’évolution des technologies (notamment les batteries électriques) et la demande croissante en métaux pour les énergies renouvelables pourraient toutefois offrir de nouvelles opportunités pour cette industrie.
« Le nickel coule de la chaîne et des massifs, il coule aussi dans les veines des Néo–Calédoniens et fait battre leur cœur. Il fait partie de leur vie, de leur histoire et de leur destin, résumait Joël Viratelle, quand il dirigeait la Maison de la Nouvelle-Calédonie, à Paris. L’“or vert” a toujours été un élément essentiel de la santé économique de la Nouvelle-Calédonie. » Mais aussi « la clé du “rééquilibrage” et du partage des richesses issus des accords de Matignon [1988] puis de Nouméa [1998] », ajoutait-il, selon un article de Le Monde.
Pour approfondir ces enjeux, vous pouvez consulter l’ouvrage “Métaux, le nouvel or noir” coécrit par Emmanuel Hache et Benjamin Louvet.
Par ailleurs, une interview d’Emmanuel Hache sur la géopolitique des métaux est disponible sur YouTube :